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'Silence' de Martin Scorsese (10/10)

XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves.


De retour après son énergique et incroyable ‘Loup de Wall-Street’, le légendaire Martin Scorsese surprend son monde en réalisant un film aux antipodes du précédent. Poursuivant ses réflexions sur la foi, présentes de manière plus ou moins discrète dans chacune de ses œuvres, le cinéaste risque de faire grincer certaines dents en abordant frontalement la question. Heureusement, Scorsese fait de ‘Silence’ une œuvre loin de toute leçon moralisante en proposant une réflexion ouverte et pertinente sur les croyances et ses dérives. Dès les premières minutes, ‘Silence’ impose une aridité et une simplicité étonnantes. Sans effet gratuit, Scorsese désosse son cinéma pour en livrer sa pureté et installe une histoire absolument maîtrisée de bout en bout. Projet chéri du réalisateur, ‘Silence’ est un véritable chef-d’œuvre tant Scorsese montre une maîtrise à la fois insolente et humble de son art. S’inspirant des grands maîtres japonais, son film est une véritable odyssée sur la foi. Suivant deux prêtres jésuites arrivés pour récupérer l’un des leurs et continuer l’évangélisation, le film confronte deux mondes et questionne sur la colonisation et ses conséquences. Si l’on craignait une bondieuserie sans recul, ‘Silence’ est un véritable exercice de remise en question. Ne jugeant jamais ses personnages, le film est d’une complexité folle. Sans véritable action, ‘Silence’ se construit autour de joutes verbales, révélant l’humanité de chacun, du prêtre un peu innocent au bourreau persécuteur qui tient à garder l’identité de son pays. Chaque dialogue, superbement mis en scène, ajoute une pierre à la réflexion et pousse le spectateur à adopter par empathie le point de vue de chaque personnage. Scorsese fait naître de ses cadres une attraction folle, créant une dynamique incroyable dans ses dialogues. L’écriture est raffinée et parfaite, mise en mot par des comédiens tous exceptionnels. S’il comporte peu d’action, ‘Silence’ retranscrit à merveille les changements intérieurs de ses personnages. Complètement tourné vers l’âme humaine, Scorsese parvient à capter grâce à sa maîtrise les évènements essentiellement internes des héros. La force première de ‘Silence’ est d’être un récit universel. Malgré son contexte, les réflexions qu’il aborde sont plus que jamais d’actualité et dénonce les volontés hégémoniques des grandes puissances, sans respect pour les autres cultures. Car il décrit là l’affrontement entre deux philosophies opposées, l’Orient et l’Occident, et ce combat est d’autant plus intéressant parce qu’amené par des individus pourtant purs et intègres. Loin de tout manichéisme, Scorses livre donc une fresque sublime et complexe. Formidable moment de cinéma, l’intelligence et le génie du maître s’exposent une nouvelle fois avec brio.

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