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'Eternité' de Tran Anh Hung (4/10)

Quand Valentine se marie à 20 ans avec Jules, nous sommes à la fin du 19e siècle. À la fin du siècle suivant, une jeune Parisienne, l’arrière-petite-fille de Valentine, court sur un pont et termine sa course dans les bras de l’homme qu’elle aime. Entre ces deux moments, des hommes et des femmes se rencontrent, s’aiment, s’étreignent durant un siècle, accomplissant ainsi les destinées amoureuses et établissant une généalogie… Une éternité…


Cinéaste remarqué pour son déjà très contemplatif ‘L’Odeur de la Papaye Verte’, Tran Anh Hung est un réalisateur posé (seulement 6 films en 24 ans de carrière) et donc forcément attendu. Doté d’un casting formidable, ‘Eternité’ était un projet séduisant et attractif autour de magnifiques portraits de femmes mais ne tient malheureusement pas ses promesses. Dommage car le résultat aurait pu être superbe. Explications. Dès les premières images, Tran Anh Hung déploie une ambiance particulière et méditative. Construits comme une succession de tableaux, les plans du réalisateur sont absolument magnifiques et sont la principale force du film. Merveilleux de fluidité, inondés par une lumière somptueuse, les images du réalisateur trouvent dans leur mise en scène une grâce fabuleuse et inégalée. On pense immédiatement au chef-d’œuvre de Terrence Malick, ‘The Tree Of Life’, par son mélange de voix off et de plans saisissants de beauté. Mais là où le réalisateur américain cassait son récit de diverses manières pour surprendre toujours un peu plus son spectateur en abordant des thématiques vastes et universelles, Tran Anh Hung choisit de rester à une échelle humaine. Dans un premier temps, son dispositif fonctionne plutôt bien et la première partie, menée par Audrey Tautou, emporte très facilement dans son univers, fait d’amour et de mort, de douceurs de vivre et de ruptures brutales. Bien rythmé malgré son tempo lent, ‘Eternité’ intrigue et laisse paraître une ambition savoureuse. Malheureusement, le film finit indéniablement par lasser, la faute à ce même dispositif qui se répètera tout du long sans jamais apporter de nouveauté. La musique, omniprésente, est premièrement séduisante mais finit par ennuyer car souvent en décalage, parfois trop expressive, en tout cas jamais variée. En effet, Tran Anh Hung y déploie des notes de piano et finit par transformer le film en véritable récital. L’emploi du même instrument pendant presque toute la durée devient alors une redite, soulignée par un film qui continue d’exploiter et explorer les mêmes thèmes sans rien apporter de neuf. Car lorsque le récit s’attarde sur l’histoire de Mélanie Laurent et Bérénice Béjo, le réalisateur semble revoir son ambition à la baisse. Ce qui aurait pu être une merveilleuse aventure humaine et une histoire touchante sur l’héritage, la transmission et le passage des générations devient un film assez mièvre et creux car il n’apporte jamais d’eau à son moulin. La voix off lancera quelques pistes intéressantes mais jamais exploitées, à l’image de ces couples qui semblent harmonieux à l’écran alors que la voix off annonce des tempéraments orageux et colériques. Les héros semblent perpétuellement en vacances et vivent dans un amour toujours harmonieux et sans vagues. Ces vagues, apportées artificiellement par la mort d’un être cher, se répètent inlassablement et n’apportent plus rien de neuf. Le gros problème d’Eternité, c’est qu’il oppose constamment le deuil et l’amour parfait, sans aucune autre thématique développée, sans aucune nuance, sans aucune autre profondeur. Ce magnifique film sur les générations qu’il rêvait d’être ne s’ouvrira que sur ses derniers plans et manque donc un sujet éminemment intéressant. Au final, ‘Eternité’ déçoit car il fait du surplace. Magnifique la première demi-heure, il ressasse ses thèmes jusqu’à l’ennui et oublie de donner de la profondeur à un récit qui s’y prêtait pourtant parfaitement. Quel dommage !

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