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'Toni Erdmann' de Maren Ade (6/10)

Quand Ines, femme d’affaire d’une grande société allemande basée à Bucarest, voit son père débarquer sans prévenir, elle ne cache pas son exaspération. Sa vie parfaitement organisée ne souffre pas le moindre désordre mais lorsque son père lui pose la question « es-tu heureuse? », son incapacité à répondre est le début d'un bouleversement profond. Ce père encombrant et dont elle a honte fait tout pour l'aider à retrouver un sens à sa vie en s’inventant un personnage : le facétieux Toni Erdmann…


Petit chouchou lors du dernier festival de Cannes, ‘Toni Erdmann’ débarque auréolé d’une aura de sympathie hors du commun, tant du public que de la critique. Le troisième film de la réalisatrice allemande Maren Ade est-il à la hauteur de sa réputation ? Le postulat du film est réjouissant et la réalisatrice pose dès le début des fondations intéressantes. Un père complètement déluré face à sa fille coincée, cela peut donner de magnifiques séquences, surtout que Maren Ade construit ces portraits atypiques avec sensibilité et intelligence. Loin de séparer les deux individus, elle montre qu’au-delà des apparences, ce sont tous deux des êtres perdus et solitaires qui peinent à trouver un sens à leur vie. ‘Toni Erdmann’ est donc une tragi-comédie surprenante à plus d’un titre. Souvent drôle, parfois déstabilisant, le film propose une liberté de ton vivifiante et originale qui est un sérieux atout pour le film. Admirablement campés par deux superbes comédiens (Peter Simonischek et Sandra Hüller), les héros auraient tout pour sombrer dans la caricature mais parviennent à devenir complètement originaux grâce à un traitement tout en nuances et en subtilité. Attachants malgré leur excentricité ou leur froideur, ces personnages sont les vecteurs du monde d’aujourd’hui. Car c’est l’autre force du film de Maren Ade : derrière l’histoire de ce père qui cherche à retrouver le contact avec sa fille enivrée par son travail, il y a une critique sociétale virulente du monde capitaliste et de ses dérives. La réalisatrice parvient sans peine à mêler ce sous-texte politique à son histoire sans que le traitement en devienne balourd. Malheureusement, le principal problème du film est sa longueur. Plus de deux heures et demie pour traiter de ce sujet, c’est beaucoup trop long, et ‘Toni Erdmann’ accumule des scènes pas toujours pertinentes ou trop étalées. Le film aurait pu beaucoup plus s’attarder sur l’évolution de ses personnages. Campés dans leurs positions et dans leur situation socio-psychologique pendant presque tout le long, ces deux héros atypiques peinent à sortir de leur zone de confort, comme s’ils ne parvenaient pas à s’influencer. Cet effet, parfaitement voulu par la réalisatrice, est frustrant car la dramaturgie reste trop statique pendant plus de deux heures. Si heureusement l’explosion du carcan social trouve enfin brusquement une ouverture, dans une scène de nu absolument hilarante, cette sortie de route aurait pu mieux être amenée pour donner du rythme à un film vraiment trop dilué. ‘Toni Erdmann’ perd donc énormément de force à trop jouer sur la longueur et surexploiter l’immobilité de ses personnages et c’est dommage que le film y perde autant. Maren Ade, en voulant trop jouer sur la subtilité, ne va donc pas au bout de son propos, et le film se clôture alors que l’on commence seulement à voir du changement dans l’attitude policée de l’héroïne. Frustrant, lent et long, ‘Toni Erdmann’ est pourtant une belle histoire, bien filmée et intéressante à plus d’un titre. A découvrir malgré la petite déception que le film soulève.




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