'Dans les Forêts de Sibérie' de Safy Nebbou (9/10)
Pour assouvir un besoin de liberté, Teddy décide de partir loin du bruit du monde, et s’installe seul dans une cabane, sur les rives gelées du lac Baïkal. Une nuit, perdu dans le blizzard, il est secouru par Aleksei, un Russe en cavale qui vit caché dans la forêt sibérienne depuis des années. Entre ces deux hommes que tout oppose, l’amitié va naître aussi soudaine qu’essentielle.
Perdu au milieu des blockbusters estivaux, le nouveau film de Safy Nebbou fait discrètement son chemin dans les salles obscures. Véritable odyssée glacée, ‘Dans les Forêts de Sibérie’ est une véritable réussite et restera comme un des meilleurs films français de cette année. Safy Nebbou offre en effet une aventure humaine stupéfiante et réaliste. Adaptant librement le récit d’aventure de Sylvain Tesson, le réalisateur s’approprie le récit et l’enrichit d’un second rôle important (le fugitif russe). Au final, ‘Dans les Forêts de Sibérie’ est un modèle de structure tant tout semble y trouver un point d’équilibre logique et évident. Safy Nabbou prend le parti de ne jamais montrer la vie de Teddy avant la Sibérie. La caméra restera du début à la fin en Russie, favorisant ainsi l’immersion. Mélangeant voix off et séquences mutiques, les scènes en solitaire sont admirablement bien rendues. Grâce au formidable jeu de Raphaël Personnaz, le héros prend vie en quelques lignes et son humanité évidente va droit au cœur. Loin des effets faciles, le film ne tombe jamais dans l’émotion évidente. Les rencontres humaines, rares dans ce désert glacé, sont des pauses salvatrices et touchantes et le réalisateur parvient véritablement à capturer les émotions sans les pervertir, grâce à une mise en scène discrète mais efficace. Si les odyssées solitaires peuvent vite virer au reportage un peu endormant, ‘Dans les Forêts de Sibérie’ trouve un rythme impeccable. Il y a toujours quelque chose qui se passe à l’écran, malgré un tempo plutôt posé. Le héros évolue, s’adapte, trouve petit à petit la liberté qu’il était venu chercher. L’ajout du fugitif russe se fait naturellement et débouche sur une seconde partie pas vraiment attendue. Le film, d’une aventure en solitaire, se transforme en une formidable entreprise humaine. Parlant avec justesse de l’amitié, ‘Dans les Forêts de Sibérie’ prend un virage risqué mais réussi. L’amitié entre ces deux hommes sera écrite avec justesse et intelligence et fera naître naturellement l’émotion grâce à une écriture et un jeu d’acteurs tout en finesse. Véritable ode à la Nature mais aussi à l’homme, le film ne prend jamais partie, ne juge jamais et dévoile la grâce qui se trouve en chacun. Tour à tour montrant la dureté des hommes et des paysages avant d’en révéler les infinies beautés, le film souligne tout le paradoxe de notre monde. Quitter les villes, la démocratie, pour retrouver la liberté, partir dans un endroit désert pour mieux nouer des relations humaines… Ces réflexions apportent une profondeur intéressante au film et ne seront jamais appuyées plus que nécessaire. Réalisé avec beaucoup de talent et de finesse,et magnifié par la sublime musique du trompettiste Ibrahim Maalouf ‘Dans les Forêts de Sibérie’ est donc une réussite. Safy Nebbou livre un film ambitieux et simple à la fois. Véritable tour de force quant aux conditions de tournage, à la fois réaliste, humain et touchant, le long-métrage sonne toujours juste. Tour à tour méditatif, angoissant, poétique et comique, c’est une réussite à ne pas rater !