top of page

'Elle' de Paul Verhoeven (8/10)

Michèle fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre. À la tête d'une grande entreprise de jeux vidéo, elle gère ses affaires comme sa vie sentimentale : d'une main de fer. Sa vie bascule lorsqu’elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu. Inébranlable, Michèle se met à le traquer en retour. Un jeu étrange s'installe alors entre eux. Un jeu qui, à tout instant, peut dégénérer.


‘Elle’ signe le grand retour de Paul Verhoeven, dix ans après son dernier film. Posant sa caméra en France et s’alliant à l’immense Isabelle Huppert, le réalisateur hollandais livre un film de haute volée et complètement ancré dans son univers. Si on retrouve les thématiques propres à l’auteur telles que la violence et son ambiguïté, on constate surtout que sa veine et son ton incisifs sont toujours bien présents. Mordant, ‘Elle’ est avant tout une charge acide contre la bourgeoisie et le diktat des apparences. Derrière l’univers propret des hommes (et femmes) se cache quelque chose de profondément sale et pervers. En résulte un film surprenant et étonnement riche. ‘Elle’ est une véritable étude de caractère au scénario très bien conçu. Toujours en équilibre, le film aurait pu trouver maintes occasions de trébucher mais l’adresse du réalisateur permet d’éviter la caricature, le grotesque, la misogynie et l’exagération. ‘Elle’ est riche car il pose beaucoup de questions. Conservant suffisamment de zones d’ombres, le film interroge et pousse le spectateur à comprendre. Michèle, femme forte et froide, se remet d’un viol et son comportement ne sera jamais jugé ou pris en pitié. Cette froideur dans le traitement du personnage est salvatrice car elle enclenche une réflexion. A la fois inaccessible et expressive, Isabelle Huppert livre à nouveau une performance magistrale en dévoilant avec clarté ce qui traverse son héroïne tout en trouvant le juste équilibre pour ne pas trop en révéler. ‘Elle’ aurait pu sombrer pendant toute sa durée dans le glauque mais se permet un humour noir inattendu et salvateur. On rigole beaucoup malgré les horreurs et les tragédies et c’est un autre tour de force du film que de nous y amener sans forcer. Il y a en effet quelque chose de comique, presque attachant, dans le traitement de Michèle, qui aurait pu être détestable mais qui par sa franchise sans limite fait craquer les illusions des autres et le vernis que chacun met sur sa propre existence. Paul Verhoeven saisit parfaitement ce personnage complexe et intéressant, à la fois psychopathe et victime, bonne dans sa volonté d’honnêteté et méchante dans sa façon de traiter les autres. En laissant toute latitude à son actrice, il parvient à capter l’essence même du film. Subtil car rempli de sous-entendu, ‘Elle’ est donc une réussite, malheureusement émaillée par quelques baisses de régime et une fin qui semble un peu bâclée face à la tenue du reste. C’est dommage car cela atténue un peu la portée de ce film noir qui brasse une foule de thématique, de la réflexion concernant la violence et la place faite aux femmes, en passant par le poids de l’hérédité. Reste un excellent film et un très bon moment de cinéma !

Recent Posts
bottom of page