'Les Innocentes' d'Anne Fontaine (9/10)
- Sylvain Ruffier
- 14 mars 2016
- 2 min de lecture
Pologne, décembre 1945. Mathilde Beaulieu, une jeune interne de la Croix-Rouge chargée de soigner les rescapés français avant leur rapatriement, est appelée au secours par une religieuse polonaise. D’abord réticente, Mathilde accepte de la suivre dans son couvent où trente Bénédictines vivent coupées du monde. Elle découvre que plusieurs d’entre elles, tombées enceintes dans des circonstances dramatiques, sont sur le point d’accoucher. Peu à peu, se nouent entre Mathilde, athée et rationaliste, et les religieuses, attachées aux règles de leur vocation, des relations complexes que le danger va aiguiser... C’est pourtant ensemble qu’elles retrouveront le chemin de la vie.
Réalisatrice multiforme, capable de travailler autant sa veine comique que dramatique, Anne Fontaine offre de très beaux rôles à de merveilleuses actrices, qu’elles soient confirmées (les splendides Robin Wright et Naomi Watts dans le correct ‘Perfect Mothers’) ou en devenir.
‘Les Innocentes’ est un film splendide et nécessaire. Offrant une partition toute en nuance et en finesse à la jeune Lou de Laâge, Anne Fontaine montre son talent pour peindre des portraits de femmes fortes et fragiles qui manquent tellement au cinéma.
Revenant sur un épisode complètement méconnu de l’histoire (l’accouchement de nonnes polonaises violées par l’occupant allemand puis russe), Anne Fontaine déploie un scénario extrêmement bien écrit.
‘Les Innocentes’ pose beaucoup de questions et aborde beaucoup de sujets sans jamais paraître moralisateur ni accusateur. Se retenant de juger et montrant avec intelligence les choix de chacun de ses personnages, la réalisatrice entre en empathie avec toutes ces femmes brisées par la guerre. De cette jeune femme interne, athée convaincue mais qui croit en la vie et l’amour autant sinon plus que ces nonnes, à cette mère supérieure brisée croyant œuvrer pour le bien du couvent, le film pose intelligemment des dilemmes et montre sans fard et sans accusation les choix parfois douloureux de ses héroïnes.
Œuvrant dans la retenue, le film n’est pas froid pour autant, grâce à la formidable empathie dégagée par l’héroïne principale et ses relations complexes et toujours mouvantes avec son entourage.
‘Les Innocentes’ est un film riche et bien écrit. Sans temps mort, le film fait constamment évoluer les points de vue et les rapports entretenus entre les personnages, évitant toute longueur inutile.
Cette richesse d’écriture se ressent notamment dans le traitement de ses personnages secondaires, toujours soignés. Les nonnes ont chacun leur passé, leur histoire, et Anne Fontaine s’y intéresse sans pour autant se perdre dans des chemins de traverse. Offrant un second rôle masculin également très consistant et touchant, la réalisatrice développe ainsi tout un réseau humain qui offre au film une véritable profondeur et un véritable impact.
Porté par une Lou de Laâge épatante et solaire, ‘Les Innocentes’ est une très grande réussite. Intelligent, humain et touchant malgré la froideur de l’hiver et du couvent polonais, le film est merveilleusement bien équilibré et subtil et pose d’admirables questions sur la foi, loin de tout manichéisme ou angélisme. A voir absolument !