'Steve Jobs' de Danny Boyle (7/10)
Dans les coulisses, quelques instants avant le lancement de trois produits emblématiques ayant ponctué la carrière de Steve Jobs, du Macintosh en 1984 à l’iMac en 1998, le film nous entraîne dans les rouages de la révolution numérique pour dresser un portrait intime de l’homme de génie qui y a tenu une place centrale.
Nouveau film du réalisateur oscarisé Danny Boyle, ‘Steve Jobs’ est l’autre biopic sur le père fondateur de la mythique entreprise Apple, cette fois incarné par le grand Michael Fassbender.
Echec cuisant du box-office américain malgré une critique plutôt favorable, le film n’est certainement pas celui que les fans de la marque attendaient. En effet, Danny Boyle nous montre l’homme derrière l’entreprise et fait tomber bien des légendes sur l’un des patrons d’entreprise les plus appréciés.
L’approche du film a de quoi surprendre. Anti-spectaculaire au possible, le long-métrage de Danny Boyle pourrait presque être du théâtre filmé. Sur un scénario d’Aaron Sorkin (déjà auteur de ‘The Social Network’), l’histoire se focalise sur trois moments clés de la vie de Steve Jobs : le lancement de ses propres créations. Pendant deux heures, Danny Boyle filme avec inventivité mais sobriété les coulisses des grands évènements organisés par son (anti)héros.
L’action est purement verbale et le film se repose essentiellement sur un scénario très bon bien que très écrit. Bavard, le film l’est assurément, et ce verbiage continu pourra ennuyer certains spectateurs mais grâce à ces échanges, Aaron Sorkin développe d’une manière spectaculaire la psychologie du patron d’Apple.
Le film montre avec une précision d’orfèvre l’homme qu’était Steve Jobs grâce à ses interactions avec les autres. Pervers, froid, calculateur et arrogant, le film montre clairement un personnage profondément narcissique et égocentrique. Cependant, ‘Steve Jobs’ n’est jamais caricatural car toujours pertinent, et surtout magnifiquement interprété par Michael Fassbender. L’acteur, froid et félin, est impeccable dans un rôle véritablement taillé pour sa stature, et il peut s’appuyer sur une Kate Winslet absolument parfaite de bout en bout.
La force du film se situe clairement dans cette interaction complexe entre les deux acteurs qui livrent des prestations formidables, et dans les questions développées sur le succès de Jobs, qui refuse obstinément d’inclure les autres dans sa réussite, alors qu’il se sert de ses collaborateurs pour bâtir les machines qu’il supervise.
La force du film est cependant aussi sa principale faiblesse. Réduire la vie de Steve Jobs à trois instants est forcément un choix risqué. Même si le scénariste concentre tout ce qu’il peut dans ces moments, il manque forcément quelque chose et les rares ouvertures sur d’autres périodes de la vie du patron d’Apple sont pleines de promesses qu’on aurait aimé voir explorées plus en détail.
Ainsi, ce dispositif minimaliste limite donc le film malgré la richesse du portrait dressé par Aaron Sorkin et Danny Boyle.
‘Steve Jobs’ est en définitive un film assez radical. Bâti autour des nombreuses joutes verbales qui ponctuaient la vie du patron d’Apple, le long-métrage est bavard mais toujours pour souligner la radicalité et l’obstination souvent maladive de son héros. Portrait sans fard et sans concession, le film n’est pas une partie de plaisir mais une formidable étude psychologique sur l’égoïsme, le narcissisme et la bestialité des rapports humains.