'Le Pont des Espions' de Steven Spielberg (9/10)
James Donovan, un avocat de Brooklyn se retrouve plongé au cœur de la guerre froide lorsque la CIA l’envoie accomplir une mission presque impossible : négocier la libération du pilote d’un avion espion américain U-2 qui a été capturé.
Après un ‘Cheval de Guerre’ sirupeux et un ‘Lincoln’ didactique mais ennuyant, Spielberg revient à la réalisation accompagné de deux pointures au scénario : les Frères Coen. L’association des trois cinéastes promettait sur le papier une belle rencontre et accouche dans les faits d’un excellent film.
On craignait un film académique et patriotique et Spielberg nous livre quelque chose de complètement différent, déjouant beaucoup d’attentes avec une maîtrise qui l’impose une nouvelle fois comme un immense réalisateur.
‘Le Pont des Espions’ est un mélange de drame intime, de film d’espionnage, de guerre et d’histoire savamment concocté et assemblé. Dès l’ouverture, modèle du genre, le réalisateur maîtrise parfaitement son image pour nous pondre une séquence qui, bien que classique, accroche instantanément le spectateur. Efficace, le film l’est grâce à un scénario limpide qui, malgré de longs bavardages, n’ennuie jamais.
Démontant sa réputation de faiseur de blockbuster, Spielberg nous livre un film à l’action presque uniquement verbale, où les armes sont bien moins efficaces que les mots, et où les moments de tension, parfaitement aménagés, auraient pu tomber complètement à plat entre les mains d’un réalisateur moins chevronné.
La force du ‘Pont des Espions’, c’est d’utiliser le passé pour nous raconter les enjeux d’aujourd’hui. Tombant à point nommé avec l’actualité, le script des frères Coen est d’une intelligence rare. Evitant soigneusement tout manichéisme, l’histoire pose les bonnes questions.
Charge politique assez forte contre le gouvernement américain qui applique la Constitution quand bon lui semble, ‘Le Pont des Espions’ est une ode à l’intégrité humaine et à ses valeurs. C’est aussi grâce à Spielberg et à son optimisme jamais mièvre que le film ne tombe pas dans le cynisme ou dans la fable. L’humanisme de son héros, interprété tout en subtilité par un Tom Hanks impérial, y est montré sans fard, sans angélisme, seulement avec une foi énorme en l’humanité.
‘Le Pont des Espions’ questionne le patriotisme, la peur de l’étranger qui empêche la compréhension de ses motifs. Véritablement empathique, Spielberg nous amène à nous questionner sur la société et sur les dérives qu’apporte le manque d’humanité du monde.
Ces thématiques sont au premier plan d’un long-métrage parfaitement fluide et impeccablement réalisé, mais elles ne prennent jamais le pas sur l’histoire ou les évènements.
‘Le Pont des Espions’ est donc un grand cru de Spielberg qui sous son classicisme évident cache un petit bijou parfaitement sculpté.
Intelligent et intéressant de bout en bout, le Maître du septième art livre un film subtilement impressionnant, jamais rutilant ou ronronnant. Spielberg est de nouveau au sommet.