'Dheepan' de Jacques Audiard (5/10)
Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.
Après être reparti bredouille de Cannes malgré son magnifique ‘De Rouille et d’Os’, Jacques Audiard revient sur le devant de la scène avec ‘Dheepan’, fraîchement auréolé de la Palme d’Or.
Récit profondément actuel, le long-métrage promettait beaucoup sur le papier mais est en réalité l’un des plus mauvais du réalisateur malgré la prestigieuse récompense qui lui a été décernée.
‘Dheepan’ commence pourtant sur les chapeaux de roue grâce à une introduction efficace qui nous plonge directement au Sri Lanka et pose en quelques plans les futurs enjeux du film.
Malheureusement, le scénario fait bien vite du surplace. Si la première demi-heure plante le décor et prend son temps, le film ne décolle jamais par la suite. De scène en scène, Jacques Audiard et les autres scénaristes peinent à donner corps aux héros, faisant succéder des scènes de la vie quotidienne qui au final ne cernent que très peu les personnages, leur passé et aussi leurs motivations.
Le problème de ‘Dheepan’, c’est qu’il parle de beaucoup de choses mais jamais en détail. Des questions intéressantes seront soulevées dans les bribes de conversation qui parsèment le film, mais le réalisateur n’ira jamais jusqu’au bout de ses idées. A trop vouloir embrasser des thématiques larges, Audiard n’en choisit aucune, et le film part dans plusieurs directions.
Le déracinement, le choc culturel, l’intégration de l’enfant dans la société, les démons du passé, l’isolement, l’inconnu, tout cela sera montré à l’écran mais pas développé, faisant de ‘Dheepan’ un film essentiellement visuel mais un peu creux dans son contenu.
Car par ailleurs, Jacques Audiard n’a rien perdu de son habileté à filmer. Des plans magnifiques se succèdent et récompensent un film souvent âpre et lent, portés par l’interprétation intense de son comédien principal.
Malheureusement, la vacuité du scénario se voit assez vite et c’est la première fois qu’Audiard n’arrive pas à faire cohabiter plusieurs genres dans son film. Avec toujours une louche de cinéma social, il parvenait à mélanger film de gangster dans ‘Un Prophète’, mélodrame et romance dans ‘De Rouille et d’Os’. Ici, le film social disparaît peu à peu au profit d’un ‘revenge movie’ qui, s’il fait enfin décoller le film question rythme, paraît un peu artificiel et poussif.
En effet, ce climax n’est pas très bien amené et il faut voir une heure de surplace narratif pour enfin laisser éclater l’action. En terme cinématographique, ce n’est pas très habile, surtout qu’une nouvelle fois, le final ne servira que très peu l’histoire, n’apportant rien de plus aux personnages que les scènes dévoilées avant.
‘Dheepan’ est malgré d’évidentes qualités (réalisation, direction d’acteurs…) un film bancal. N’explorant jamais les nombreuses voies de réflexion offertes, le long-métrage reste superficiel et illustratif. Renonçant constamment à explorer l’univers intérieur de ses personnages de manière approfondie, sans ligne narrative très claire (l’histoire de l’enfant sera bien vite évacuée, de même que la critique sociale concernant l’immigration…), ‘Dheepan’ aurait pu être un grand film mais avorte malheureusement de beaucoup de bonnes idées. Une déception.