'Loin de la Foule Déchaînée' de Thomas Vinterberg (7/10)
Dans la campagne anglaise de l’époque victorienne, une jeune héritière, Bathsheba Everdeene doit diriger la ferme léguée par son oncle. Femme belle et libre, elle veut s’assumer seule et sans mari, ce qui n’est pas au goût de tous à commencer par ses ouvriers. Bathsheba ne se mariera qu’une fois amoureuse. Qu’à cela ne tienne, elle se fait courtiser par trois hommes, le berger Gabriel Oake, le riche voisin Mr Boldwood et le Sergent Troy.
Auteur il y a deux ans du très bon ‘La Chasse’ et surtout connu pour son premier long ‘Festen’, le réalisateur danois Thomas Vinterberg revient sur le devant de la scène avec un film en costumes, à première vue exercice de commande très académique produit par un major hollywoodien.
Se déroulant à l’époque victorienne et adapté d’un classique de la littérature anglaise, ‘Loin de la Foule Déchaînée’ avait tout pour être un énième drame d’époque mais impose dès les premiers plans une pâte singulière, celle de son réalisateur.
Loin des images ronflantes et sirupeuses des mélos costumés, Vinterberg utilise une grammaire cinématographique extrêmement sobre et retenue, donnant un cachet très ‘film d’auteur européen’ à une production majoritairement américaine.
Il y a de très beaux moments de mise en scène dans le film, parfois surréalistes, parfois lumineux, mais toujours pertinents et le réalisateur y développe un sens de l’image et du cadre parfaits.
Ce film ne serait rien sans la composition de ses deux personnages principaux, Carey Mulligan, qui de film en film montre à quel point elle sait choisir ses rôles, et Matthias Schoenaerts, belge talentueux qui monte les échelons à vitesse grand V. Leur alchimie à l’écran est réussie et rend cette histoire d’amour impossible possible. Irrésistibles l’un comme l’autre, ils habitent leur personnage et leur insuffle une humanité attachante et chaleureuse.
Il en ira de même pour le reste du casting, parfaitement en accord, et qui montre à quel point Vinterberg est un bon directeur d’acteur.
En soi, ‘Loin de la foule Déchaînée’ n’est pas nouveau et ces histoires d’amour contrariées rappelleront bon nombre de films, à commencer par le très bon mais très américain ‘Légendes d’Automne’, mais Vinterberg y apporte suffisamment de subtilité pour ne pas sombrer dans le cliché et le sirupeux, à l’image du final, qui aurait pu être complètement raté et qui réussit à trouver l’équilibre délicat entre retenue et émotion.
Dès lors, il est dommage de constater la volonté intempestive (imposée par la production ?) de saper cette simplicité et cette subtilité par une musique certes très belle, mais surtout hyperromantique et trop explicite.
Si elle fonctionne à certains endroits, d’autres moments deviennent franchement lourds à cause d’une partition musicale complètement ‘cliché’ et manquant trop de finesse, donnant l’impression d’un énorme décalage entre l’image et le son, entre la volonté première du réalisateur et les impératifs du film en costume.
Malgré une très bonne tenue générale, le film patine parfois un peu, à cause d’un scénario pas toujours très intéressant ou d’un montage qui aurait mérité encore d’être retravaillé, provoquant quelques moments de vide dans la narration.
Malgré ces défauts, ‘Loin de la Foule Déchaînée’ reste un film de très bonne facture, profondément marqué par le sens artistique indéniable de son très bon réalisateur. A découvrir.