'The Voices' de Marjane Satrapi (6/10)
Jerry vit à Milton, petite ville américaine bien tranquille où il travaille dans une usine de baignoires. Célibataire, il n’est pas solitaire pour autant dans la mesure où il s’entend très bien avec son chat, M. Moustache, et son chien, Bosco. Jerry voit régulièrement sa psy, aussi charmante que compréhensive, à qui il révèle un jour qu’il apprécie de plus en plus Fiona - la délicieuse Anglaise qui travaille à la comptabilité de l’usine. Bref, tout se passe bien dans sa vie plutôt ordinaire - du moins tant qu’il n’oublie pas de prendre ses médicaments...
Délaissant le cinéma français pour une production américaine, la réalisatrice Marjane Satrapi, auteure de l’excellent ‘Persepolis’ et du moins bon ‘Poulet aux Prunes’ livre un film à la fois surprenant et parfaitement crédible dans son parcours artistique.
‘The Voices’ est un film très paradoxal car il est à la fois assez réussi et en même temps très déplaisant pour le spectateur. En effet, la réalisatrice prend le risque de brosser le public dans le mauvais sens du poil en livrant un film souvent très dérangeant et perturbant.
Car si l’on apprécie grandement le traitement très coloré délivré par l’image (à ce titre, la photographie du film est vraiment excellente), à rapprocher d’un univers ‘bande-dessinée’ bien connu de la réalisatrice, on déchante très vite lorsque l’on se rend compte de ce que cache cet univers mièvre et presque enfantin.
Car ‘The Voices’ oscille sans arrêt entre un traitement lisse tendance bon enfant et le film d’horreur pur et dur, et c’est une grande force de faire cohabiter les deux univers de manière si homogène. On découvre petit à petit un personnage principal absolument terrifiant et complexe et Marjane Satrapi fait virer son joli petit film en thriller cauchemardesque en nous invitant à plonger dans la psyché d’un tueur.
Car le film se base presque essentiellement sur la vision de son personnage principal, individu dans un premier temps un peu gauche et fragile mais qui va se révéler très différent de son image de départ. Avec un traitement par l’absurde, souvent très léger et contrastant avec le reste, la réalisatrice montre chez cet homme un côté enfantin qui a peu évolué depuis son adolescence, et livre un traitement psychologique plutôt imaginatif mais toujours crédible d’un être complètement malade.
Ce qu’il réussit sur le plan psychologique, le film le perd d’un point de vue narratif puisque outre quelques longueurs, la construction scénaristique n’est pas toujours parfaite, à cause de redondances dans les situations, ou de scènes qui n’apportent pas grand-chose à la trame principale. Le film perd ainsi une grande force dans ces séquences mais ne gâche jamais vraiment l’expérience.
Ryan Reynolds fait ici un come-back réussi, se livrant dans un rôle à double emploi pas évident à rendre attachant et effrayant. Il y arrive parfaitement, aidé par un casting féminin tout en charme et en talent.
Il y a beaucoup de bonnes choses dans ‘The Voices’ et malgré des défauts assez présents dans la narration, Marjane Satrapi réussit à faire un bon film qui évite toujours la facilité. Déconcertant, paradoxal, à la fois léger et terrible, c’est une expérience de cinéma vraiment intéressante.