'Foxcatcher' de Bennett Miller (9/10)
Inspiré d’une histoire vraie, Foxcatcher raconte l’histoire tragique et fascinante de la relation improbable entre un milliardaire excentrique et deux champions de lutte.
Lorsque le médaillé d’or olympique Mark Schultz est invité par le riche héritier John du Pont à emménager dans sa magnifique propriété familiale pour aider à mettre en place un camp d’entraînement haut de gamme, dans l’optique des JO de Séoul de 1988, Schultz saute sur l’occasion : il espère pouvoir concentrer toute son attention sur son entraînement et ne plus souffrir d’être constamment éclipsé par son frère, Dave. Obnubilé par d’obscurs besoins, du Pont entend bien profiter de son soutien à Schultz et de son opportunité de « coacher » des lutteurs de réputation mondiale pour obtenir – enfin – le respect de ses pairs et, surtout, de sa mère qui le juge très durement.
Flatté d’être l’objet de tant d’attentions de la part de du Pont, et ébloui par l’opulence de son monde, Mark voit chez son bienfaiteur un père de substitution, dont il recherche constamment l’approbation. S’il se montre d’abord encourageant, du Pont, profondément cyclothymique, change d’attitude et pousse Mark à adopter des habitudes malsaines qui risquent de nuire à son entraînement. Le comportement excentrique du milliardaire et son goût pour la manipulation ne tardent pas à entamer la confiance en soi du sportif, déjà fragile. Entretemps, du Pont s’intéresse de plus en plus à Dave, qui dégage une assurance dont manquent lui et Mark, et il est bien conscient qu’il s’agit d’une qualité que même sa fortune ne saurait acheter.
Entre la paranoïa croissante de du Pont et son éloignement des deux frères, les trois hommes semblent se précipiter vers une fin tragique que personne n’aurait pu prévoir…
Auréolé du Prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes, ‘Foxcatcher’ raconte une histoire vraie dans le monde de la lutte. Bennett Miller dirige à nouveau un film sur le sport après ‘Le Stratège’, qui était légèrement décevant à cause d’un sujet pas toujours intéressant et d’une réalisation extrêmement froide.
‘Foxcatcher’ remet enfin les pendules à l’heure et gomme en quelques minutes les défauts de son précédent film. Extrêmement bien écrit et filmé, intelligent et subtil de bout en bout, le film est une très grande œuvre qui devrait asseoir la réputation de son réalisateur.
La mise en scène de Bennett Miller est à la fois très sobre et recherchée. ‘Foxcatcher’ fait partie de ces films où énormément de choses passent à l’image sans qu’aucune phrase ne soit prononcée pour aiguiller le spectateur. En quelques plans, on cerne tout de suite les personnages principaux et le type de relation qu’ils entretiennent, tout en laissant une part d’interprétation sur les réelles motivations de chacun.
Beaucoup de choses sont tues et suggérées et c’est ce qui fait la richesse d’un scénario parfaitement écrit et rythmé. Si le film prend son temps, il évite habillement les longueurs en faisant toujours évoluer ses personnages et on constate que chaque séquence du film apporte son lot d’informations, d’explications et de nuances sur ces personnages complexes et intéressants.
Les acteurs sont impressionnants, mention spéciale à Steve Carell qui habite avec une aisance incroyable un homme à la fois fascinant, repoussant et torturé.
Traitant de la relation entre frères, entre un mentor et son apprenti, entre un ‘père’ et un fils, Bennett Miller ausculte les relations entre hommes, pas toujours très saines. Sans jugement et avec un recul bienvenu, il montre à quel point un homme malade peut faire pourrir un autre homme, si bien que le sport ici n’est qu’un prétexte à dénoncer les rapports entre hommes, mais aussi glorifier l’entraide et une cellule familiale saine. Tout dans ‘Foxcatcher’ se déroule autour des rapports de soumission, ou au contraire de confiance. Toujours très psychologique et crédible, le film ne comprend cependant aucune lourdeur car Bennett Miller a une confiance absolue dans ses images et fait passer énormément de choses à travers les regards et les comportements de ses acteurs.
Maîtrisé et passionnant, bien que parfois encore un peu froid, ‘Foxcatcher’ est un excellent film et un très grand drame psychologique. A voir absolument !