'Mr. Turner' de Mike Leigh (4/10)
- Sylvain Ruffier
- 20 déc. 2014
- 3 min de lecture
Les dernières années de l’existence du peintre britannique, J.M.W Turner (1775-1851). Artiste reconnu, membre apprécié quoique dissipé de la Royal Academy of Arts, il vit entouré de son père qui est aussi son assistant, et de sa dévouée gouvernante. Il fréquente l’aristocratie, visite les bordels et nourrit son inspiration par ses nombreux voyages. La renommée dont il jouit ne lui épargne pas toutefois les éventuelles railleries du public ou les sarcasmes de l’establishment. A la mort de son père, profondément affecté, Turner s’isole. Sa vie change cependant quand il rencontre Mrs Booth, propriétaire d’une pension de famille en bord de mer.
Nouveau film de Mike Leigh après le très tendre et réussi ‘Another Year’, ‘Mr. Turner’ est un biopic en costume qui narre la fin de vie d’un très grand peintre anglais. Le film a la bonne idée de montrer les œuvres de ce grand artiste et de nous familiariser avec son univers. Au-delà de l’éventuelle découverte par le spectateur, que vaut ce biopic présenté en compétition à Cannes ?
Les premières minutes sont enthousiasmantes car outre la réalisation très élégante de Mike Leigh, le travail sur la lumière et la photographie du film ont été particulièrement soignés. Les images sont magnifiques et ultra léchées ce qui donne à ‘Mr. Turner’ une allure de toile de maître.
Au-delà de ses qualités picturales, le film de Mike Leigh s’avère cependant décevant. En misant sur la puissance de ses images, le réalisateur donne l’impression d’illustrer la vie de l’artiste plutôt que de l’ausculter. ‘Mr. Turner’ sera en effet très avare sur la psychologie de son personnage principal, sur son rapport à l’art et à son œuvre en général.
Le scénario fait du surplace assez régulièrement, grevé par des longueurs pesantes (le film dure presque 2h30), et ne semble qu’effleurer la surface de ce personnage à la fois bourru et mystérieux. Le choix de centrer le film sur les dernières années de sa vie est louable, car original, mais Mike Leigh ne perce jamais vraiment la carapace du peintre, par ailleurs très bien interprété par Timothy Spall, récompensé à Cannes pour cette prestation.
Alors que certaines séquences sont particulièrement intéressantes et rentrent enfin dans le vif du sujet (notamment la scène de l’exposition de peinture où se retrouvent tous les membres de l’Académie et où l’on voit les rapports qu’ils entretiennent entre eux), beaucoup sont inutiles ou n’apportent rien au personnage, si bien que le film ne trouve jamais vraiment son rythme.
Mike Leigh n’a pas assez de matière pour étirer son film sur 2h30 et cela se sent. Il dresse un portrait intéressant du peintre mais souvent superficiel et trop centré sur sa vie quotidienne. Nul commentaire sur le dénigrement volontaire de sa famille et la non-reconnaissance de ses filles, sur son rapport étrange à la sexualité, sur son côté renfrogné ou sur le rapport qu’il entretient avec son art. Tous ces thèmes intéressants sont survolés et manquent clairement d’analyse.
La musique, assez mal écrite et monothématique, n’apporte jamais ce supplément d’âme nécessaire aux scènes et est même parfois complètement en décalage par rapport à l’action. L’effet aurait pu être saisissant si on en comprenait la finalité mais elle passe clairement à côté de son rôle.
‘Mr. Turner’ est en définitive un film assez intéressant, loin d’être raté, et très bien réalisé, mais il manque clairement de matière pour tenir le spectateur pendant toute sa longueur. Parfois superficiel, parfois captivant, il nous laisse un peu sur notre faim. A voir surtout pour les performances d’acteurs, toujours formidables dans les films de Mike Leigh, et la superbe photographie.