'Léviathan' d'Andreï Zviaguintsev (7/10)
- Sylvain Ruffier
- 26 nov. 2014
- 2 min de lecture
Kolia habite une petite ville au bord de la mer de Barents, au nord de la Russie. Il tient un garage qui jouxte la maison où il vit avec sa jeune femme Lylia et son fils Roma qu’il a eu d’un précédent mariage.Vadim Cheleviat, le Maire de la ville, souhaite s’approprier le terrain de Kolia, sa maison et son garage. Il a des projets. Il tente d’abord de l’acheter mais Kolia ne peut pas supporter l’idée de perdre tout ce qu’il possède, non seulement le terrain mais aussi la beauté qui l’entoure depuis sa naissance. Alors Vadim Cheleviat devient plus agressif...
Prix du scénario au dernier festival de Cannes, ‘Léviathan’ est un film profondément ambitieux. Avec 2h20 au compteur, le film entend brasser plusieurs thèmes sans pour autant s’attarder sur un seul et réussit parfaitement son objectif. D’un thriller social sur le pouvoir, il passe aux affres de la tromperie et de ses effets sur la vie de couple, mais toujours de manière naturelle et pertinente.
D’emblée, la réalisation d’Andreï Zviaguintsev s’impose avec une grâce et un savoir-faire indéniable. Le film est magnifique et l’histoire est superbement cadrée. Grâce à des mouvements de caméra fluides, l’image est dynamique et montre la splendeur naturelle des paysages russes, personnage à part entière de cette histoire.
Cette ambition formelle se retrouve dans le scénario, qui balaie de manière inattendue plusieurs destins, tous intéressants, tous montrant un aspect différent de l’homme, aspect souvent peu reluisant.
Car le réalisateur nous invite à poser un regard éminemment critique sur la Russie, terre où les hommes s’oublient dans la vodka, où les politiciens sont véreux et corrompus, de même que l’Eglise Orthodoxe.
Andreï Zviaguintsev nous invite à observer les ‘monstres’ qui terrassent son pays, avec un regard d’une précision folle et non dénué d’humour. En soi, le destin de Kolia montre pleinement la portée politique de ce ‘Léviathan’ : l’histoire d’un homme broyé par les autres et par la terrible institution politique russe.
Mais le réalisateur n’appuie pas sa critique outre mesure et reste toujours élégant et sobre, sans tomber dans la caricature ou la dénonciation facile.
Le seul problème de ‘Léviathan’ se trouve dans ses longueurs, parfois un peu rebutantes, mais qui invitent à la contemplation et à la réflexion. Affaiblissant parfois la force des images, le film met du temps à démarrer, puis à garder l’ampleur romanesque qui se dégage de certaines séquences. Peut-être pas toujours maîtrisé sur le rythme, le film reste malgré très bon et les acteurs sont tous impeccables et crédibles dans des rôles pourtant pas faciles car peu reluisants.
Parfois long et poseur, le film d’Andreï Zviaguintsev est cependant réussi. Ambitieux et magnifique, il prend son temps pour étaler son histoire de la Russie et cerner au mieux les dérives mais aussi l’humanité du peuple russe. A découvrir.