'Mommy' de Xavier Dolan (8/10)
- Sylvain Ruffier
- 16 oct. 2014
- 3 min de lecture
Une veuve mono-parentale hérite de la garde de son fils, un adolescent TDAH impulsif et violent. Au coeur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla. Tous les trois, ils retrouvent une forme d’équilibre et, bientôt, d’espoir.
Réalisateur jeune et prolifique, Xavier Dolan livre son nouvel opus, quelques mois après le très bon ‘Tom à la Ferme’. Auréolé du Prix du Jury au dernier Festival de Cannes, ‘Mommy’ porte à coup sûr la marque de son auteur qui malgré son jeune âge, a déjà trouvé un style et une identité propre. Coup de cœur de la critique, ‘Mommy’ est avant tout un coup au cœur et surtout un très bon film.
Les choix de réalisation sont pour beaucoup dans cette réussite. Grâce à ce carré parfait qui cadre l’image et qui illustre à merveille l’enfermement et l’oppression que vivent ses personnages, Xavier Dolan nous montre un film perturbant et fort, qui met très rarement à l’aise, et qui nous emporte dans le quotidien pas tranquille de ses héros.
‘Mommy’ est irréprochable sur le traitement psychologique de ses personnages. Ce ‘trio’ mère-fils-voisine, est à la fois complètement dingue, malade, et pourtant terriblement attachant. Car l’humanité que Dolan parvient à dégager de ces ‘handicapés de la vie’ est naturelle et belle. Cernant parfaitement leurs failles en des actions toujours justes et logiques, le réalisateur nous emporte dans leur folie, et on comprend l’incompréhensible. S’identifier à de tels ‘phénomènes’ n’était pas une chose aisée et c’est là la plus grande réussite de ‘Mommy’.
Cet attachement très fort pour les personnages est également possible grâce aux prestations merveilleuses des comédiens principaux. Tous les trois sont magnifiquement crédibles et justes et révèlent leurs côtés sombres sans pour autant se rendre détestables. Le naturel qui se dégage de leur interprétation est proprement bluffant malgré des scènes très difficiles et délicates.
Le format du film, carré donc, permet des choix de mise en scène audacieux car pas évidents. Il n’y a jamais beaucoup de détails dans le cadre, ni beaucoup de personnages, et cela illustre donc à merveille l’enfermement psychologique du héros.
Emporté par l’énergie contagieuse de son metteur en scène, le film est une effervescence d’émotions et d’idées et bouillonne littéralement de l’intérieur. C’est la principale qualité du film mais aussi son principal défaut.
Emporté par l’hystérie de ses personnages, Xavier Dolan manque parfois de recul et de finesse dans sa manière de filmer, alors qu’il devrait simplement faire confiance à ses acteurs et à la force de ses images. Parfois trop démonstratif, il gâche un peu ses bonnes idées : à l’image de son format de film, qui s’élargit lorsque le personnage principal entre dans une relative période de paix et qu’il crie sa liberté face à la caméra. Le procédé est bon mais tellement mis en avant que l’effet en est légèrement gâché.
Renouant avec les travers de ‘Laurence Anyways’, ‘Mommy’ est malheureusement trop long et c’est dommage car le rythme du film est plutôt bon, avec des montées en puissance et en tension fort bien amenées. Malheureusement, le montage donne l’impression que le film se termine plusieurs fois et que l’on assiste à une gigantesque conclusion qui atténue un peu la formidable force du film.
Ces défauts, mineurs, ne gâchent que très peu le plaisir contagieux et puissant de cette folle proposition de cinéma. ‘Mommy’ est un film bouleversant et attachant et mérite véritablement le détour.