'Boyhood' de Richard Linklater (5/10)
- Sylvain Ruffier
- 19 juil. 2014
- 3 min de lecture
Chaque année, durant 12 ans, le réalisateur Richard Linklater a réuni les mêmes comédiens pour un film unique sur la famille et le temps qui passe. On y suit le jeune Mason de l’âge de six ans jusqu’ à sa majorité, vivant avec sa sœur et sa mère, séparée de son père. Les déménagements, les amis, les rentrées des classes, les premiers émois, les petits riens et les grandes décisions qui rythment sa jeunesse et le préparent à devenir adulte...
'Boyhood' est un film-concept unique en son genre puisque le réalisateur a tourné son film pendant douze ans, afin de voir ses comédiens grandir et de filmer leur évolution. On attendait donc de pied ferme ce projet ambitieux dirigé par Richard Linklater, à qui l'on doit les très bons 'Before Sunset' et 'Before Sunrise'. Malheureusement, 'Boyhood' est une déception et est très loin de la qualité des deux opus signés précédemment. Comme si le concept du film passait avant tout, Richard Linklater filme une succession de vignettes, de scènes de vie, mais sans grande ambition. Le problème du film est qu'il n'a pas grand chose à raconter. Mason est un jeune garçon tranquille, plutôt taiseux, à qui il va arriver deux trois bricoles mais rien de franchement passionnant et c'est là le problème : 'Boyhood' tombe dans le lieu commun. Toutes ces scènes sont très belles, très humaines, plutôt bien filmées et intéressantes en soi. Malgré la longueur du film, on s'ennuiera rarement (mais quand même beaucoup à la fin). Sauf que 'Boyhood' a beau être un film plutôt agréable, il manque clairement de profondeur. Filmer les comédiens pendant 12 ans aurait pu faire un grand film sur le temps qui passe, sur l'enfance qui se perd, sur l'âge adulte et les responsabilités, mais 'Boyhood' ne va jamais traiter de ces problèmes de manière consciente, se contentant d'illustrer ce qui arrive à cette famille somme toute banale. Banal est le mot qui revient. Mason, le héros, est banal, et ce qu'il traverse est banal. Alors qu'on le voit grandir, on ne s'attache pas vraiment à lui, ni à sa soeur, ni à ses parents, car leur psychologie n'est pas très travaillée et pas suffisamment complexe pour permettre une profondeur. Alors oui, on s'identifie à ces vignettes de la vie quotidienne car tout le monde en a vécu quelques-unes, mais ça n'ira pas plus loin. De plus, le choix de ces 'instantanés' est discutable puisque beaucoup d'évènements clés dans son histoire sont complétement passés sous silence (les premiers amours, la perte d'un être cher, les difficultés d'un travail alimentaires etc...). 'Boyhood' n'est pas un mauvais film car il est réalisé avec beaucoup de fraîcheur et de sincérité et se laisse voir avec plaisir. Beaucoup de séquences sont réussies et apportent quelque chose au film mais c'est finalement la destinée des adultes (la mère qui sort avec des alcooliques, le père qui apprend à devenir un père...) qui captive le plus car elle semble plus travaillée et plus riche que celle du héros. La vie de Mason est un long fleuve (presque) tranquille et cela méritait-il un film aussi long? 'Boyhood' n'est donc pas vraiment à la hauteur de son concept. Ce qui aurait pu être un film profond et bouleversant ne sera qu'un petit film indépendant américain, agréable mais un peu creux.