'Joe' de David Gordon Green (5/10)
- Sylvain Ruffier
- 6 mai 2014
- 2 min de lecture
Dans une petite ville du Texas, l’ex-taulard Joe Ransom essaie d’oublier son passé en ayant la vie de monsieur tout-le-monde : le jour, il travaille pour une société d’abattage de bois. La nuit, il boit. Mais le jour où Gary, un gamin de 15 ans arrive en ville, cherchant désespérément un travail pour faire vivre sa famille, Joe voit là l’occasion d’expier ses péchés et de devenir, pour une fois dans sa vie, important pour quelqu’un. Cherchant la rédemption, il va prendre Gary sous son aile…
La première chose qui frappe lorsque l'on regarde 'Joe' est l'influence importante d'un certain nombre de réalisateurs. Alors que certaines coupes franches dans les scènes et les descriptions de la nature font penser à Terrence Malick (qui a d'ailleurs produit un des précédents films de David Gordon Green), l'histoire et l'ambiance convoquent 'Gran Torino' de Clint Eastwood ou 'Drive' de Nicolas Winding Refn.
Avec ces illustres références 'Joe' aurait eu toutes les raisons d'être un grand film. Malheureusement, il ne sera jamais à la hauteur de ses modèles. A trop vouloir s'en inspirer, David Gordon Green fait un film globalement assez froid et impersonnel, sauf dans sa dernière partie.
Le film commençait pourtant bien mais une fois le décor et les personnages installés, on fait du surplace pendant un certain temps. La faute à un scénario qui peine à avancer et à fouiller plus en avant la psychologie des personnages. La faute également a des sous-intrigues qui alourdissent la narration, à l'image des nombreuses séquences avec le père alcoolique, ou le balafré, qui à part enfoncer leur statut de salaud n'apporte pas grand chose au coeur du récit, c'est à dire la relation père-fils qui s'établit entre Joe (Nicolas Cage) et Gary (Tye Sheridan). Cette relation, complexe et passionnante, met également du temps à se définir et ne prend réellement substance que dans la dernière heure du film.
Les personnages gagnent progressivement en profondeur à mesure qu'ils révèlent leurs failles, leur violence enfouie. Ces scènes-ci sont bien négociées de la part du réalisateur, et il peut s'aider de comédiens exceptionnels qui livrent ici des prestations de très haute volée. Cependant, il manque une force dans les plans qui rendrait la folie des personnages vraiment effrayante.
'Joe' dépeint un monde fait de salauds, âpre et sinistre. Mais il force malheureusement trop le trait, si bien que l'on a du mal à s'attacher au film, beaucoup trop cynique, et aux personnages.
Tout le film n'est pas à jeter, à l'image de la dernière demi-heure, très réussie car cristallisant enfin parfaitement tous les enjeux qui se construisaient jusqu'alors.
'Joe' est donc globalement décevant, en grande partie à cause de sa structure scénaristique, mais aussi car on aurait aimé un traitement plus touchant et viscéral, et une réalisation moins impersonnelle. Le film contient cependant de magnifiques séquences, et notamment son final, très beau et émouvant.